Ce qui est troublant avec le Tome I de Blackwater et son personnage quasi iconique, Elinor Dammert, sorte de Dame du Lac aqueuse, minérale et obscure comme un limon épais, c’est que l’on a irrésistiblement l’envie de l’apparenter avec le personnage de la lame XVII, L’Étoile, dans la superbe version du Tarot noir de Justine Ternel et Matthieu Hackière, sans tenir compte, bien entendu, des significations de ladite lame qui n’ont rien à voir avec cette comparaison.
“Tôt un samedi matin — le 21 juin 1919 pour être exact, alors que le soleil venait à peine de quitter le signe d’air des Gémeaux pour entrer dans le signe d’eau du Cancer —, Oscar Caskey se leva comme à l’ordinaire à cinq heures, avant de se rappeler qu’on était samedi et qu’il n’avait pas à être à la scierie avant huit heures. Il fit demi-tour et s’apprêtait à se rendormir quand il perçut dans le silence matinal un léger bruit derrière la fenêtre. Il se leva et regarda dehors. L’aube ne pointait pas encore. Sous ses yeux, le sable formait une vaste mer obscure, laissant encore apparaître çà et là les traces du travail de Buster. Et voilà que, brouillant davantage le lacis de cercles concentriques, Elinor Dammert surgit de l’embarcadère, semblant fermement tenir quelque chose dans sa main. La curiosité d’Oscar fut piquée. Il voulait savoir ce qui avait conduit la jeune femme dehors à cette heure. Il voulait savoir ce qu’elle tenait caché dans son poing. Il voulait saisir cette opportunité de lui parler sans que quiconque, ni sa mère, ni James, ni la petite Grace, ni même les domestiques, ne soit dans les parages. Enfilant son pantalon et ses bottes à la hâte, il se précipita dans l’escalier et s’arrêta sous le porche, d’où il observa Elinor à travers la moustiquaire. Debout, au centre du jardin de sable gris qui descendait en pente douce vers la rivière, elle creusait du pied un petit trou dans le sol.“
Michael McDowell ; Blackwater (Tome I – La Crue), éd. Monsieur Toussaint-Louverture (p.90-91)
Ce qu’en dit l’éditeur :
“Bienvenue à Perdido ! Venez découvrir ce coin tranquille de l’Alabama aux rues cossues, gouverné par de riches familles, et qui doit tout à ses rivières. Des rivières généreuses, mais aussi dangereuses, qui donnent et qui prennent. Voyez-les bouillonner au pied des maisons, entendez leur écho dans le bourdonnement des scieries, sentez-les perturber le cours paresseux de la vie… Ces flots boueux, capables de vous aspirer par le fond et de ne jamais rendre votre corps, cachent des mystères insondables. Qui sait ce qui se passe la nuit, quand les manigances s’apaisent, quand l’argent dort enfin, et que les ambitions se sont tues ? Et qui est cette Elinor Dammert, jeune beauté aux cheveux ocre, merveilleusement apparue un jour de crue, et qui vient perturber l’équilibre en place ? Que dissimule-t-elle derrière son sourire affable ? Et quel lien étrange entretient-elle avec la Perdido ? Plongez dans Blackwater, une fresque épique qui couvre cinquante années de l’existence d’une famille tout sauf ordinaire, ses histoires, ses alliances, ses plans machiavéliques pour conserver le pouvoir. Partagez avec elle les combats et les surprises que lui réserve le destin, les morts soudaines et les événements inexplicables. À travers six épisodes endiablés, découvrez une saga familiale à l’atmosphère surnaturelle unique. Au-delà des manipulations et des rebondissements, de l’amour et de la haine, Michael McDowell (1950-1999), co-créateur des mythiques Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack, et auteur d’une trentaine de romans, réussit avec Blackwater à bâtir une série de six romans aussi addictifs que du Stephen King dans une atmosphère mystérieuse et fascinante.”
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